Louis Chevalier
Montmartre du plaisir et du crime
Préface d'Eric Hazan
On pourrait dire que ce livre est déguisé. En apparence c’est une œuvre, somme toute traditionnelle, du grand historien de Paris que fut Louis Chevalier – des parties et sous parties, des notes, des références savantes – mais sous ces dehors académiques c’est d’une féérie qu’il s’agit. En l’ouvrant à n’importe quelle page, on y rencontre des personnages fabuleux, Salis au Chat Noir, Bruant au Mirliton, Lautrec au Moulin Rouge avec la Goulue et Valentin, et Yvette Guilbert, Damia, Frehel. Au fil des chapitres, les belles courtisanes, Liane de Pougy, la belle Otero, Émilienne d’Alençon, côtoient Barrès et Mac Orlan, Carco et Zola qui s’en inspirera pour ces grandes héroïnes du plaisir et du crime, Gervaise dans son lavoir de la rue des Islettes, et Nana, inoubliablement représentée par cet autre Montmartrois que fut Edouard Manet. Les lieux parcourus sont ceux du crime, « décor d’ombre, de misère, de vengeance, de peur » – plutôt à l’est, du côté de la Chapelle ; et ceux du plaisir, la scintillante place Blanche, le boulevard de Rochechouart où, à l’Élysée-Montmartre, « les plus belles et les plus renommées arborent des gerbes de diamants pour aller regarder danser Grille d’Égout, laquelle fait exercice avec sa jambe gauche comme avec un Remington ». « Vous êtes la Sybille conduisant Énée dans le royaume des ombres » dit à Chevalier un ami américain. « Votre Montmartre, c’est l’Enfer de Virgile, c’est l’Enfer de Dante – Montmartre l’Enfer ? Balzac ne démentirait pas – mais c’est surtout au Temps retrouvé que je pense. Montmartre, pour vous, c’est le temps retrouvé. Non pas seulement votre Montmartre, celui de vos souvenirs et des romans que se mêlent à vos souvenirs, mais Montmartre lui-même qui, à vous entendre, n’a d’autre réalité, d’autre forme assurée d’existence, de durée, que d’être en permanence une féérie ou un délire de sensations toujours les mêmes. » Prodigieux livre où il faut accepter de se perdre entre Barbès et Clichy, de se laisser aller à un plaisir non défendu, l’enchantement de l’écriture et d’une impeccable érudition.
Un cahier de 16 pages rassemble des peintures, des dessins et des photographies, images parfois illustres et parfois inédites ou presque.
Louis Chevalier
Louis Chevalier enseigna pendant vingt ans l’histoire de Paris au Collège de France. Ses ouvrages les plus célèbres sont Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du XIXe siècle (1958) et L’Assassinat de Paris (1977).