Alain Brossat
Pour en finir avec la prison
La question est donc posée : l’état d’exception permanent qui se constate dans les prisons françaises est-il lié à des effets de conjoncture ou à des «pesanteurs» diverses (manque de moyens, routines, négligences…) ou bien s’agit-il d’un état institué des choses, destiné à reproduire des effets politiques ou idéologiques réglés ? En d’autres termes, quelles sont les limites d’une approche humanitaire des prisons qui en envisage l’état toujours sous l’angle de la souffrance des détenus et de la réforme salvatrice perpétuellement reportée au lendemain et jamais sous celui de la violence de l’Etat ?
Il apparaît plus nécessaire que jamais de tenter de reconstituer un espace critique autour de la question de la prison en France – de repolitiser la question – ce qui dans le passé, a toujours été la condition première pour que les pouvoirs publics prennent en compte ce qui, dans l’ordre pénitentiaire, fait interminablement scandale. C’est à réactualiser les questions telles que «à quoi servent les prisons ?» (posée déjà par Michel Foucault il y a trente ans) ou «Comment décarcériser nos sociétés ?» que veut contribuer cet essai. Tant il est vrai que l’état d’exception permanent dans lequel persistent nos prisons en dit long sur ce qui fait règle dans nos sociétés.
Alain Brossat
Alain Brossat enseigne la philosophie à Paris-VIII. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur la politique au XXe siècle, parmi lesquels Le Stalinisme entre histoire et mémoire (éditions de L'Aube, 1991), L'épreuve du désastre, le XXe siècle et les camps (Albin Michel, 1996), Fêtes sauvages de la démocratie (Austral, 1996).